exploration de la consommation d'énergie normalisée par m² dans les bâtiments tertiaires

Par Antoine Breitwiller 12 janvier 2024

La transition énergétique représente un défi majeur pour la France, en particulier dans le secteur tertiaire, qui constitue 17% de la consommation énergétique nationale Adème, 2024 . Face à ce contexte, mieux comprendre et connaitre la consommation énergétique des bâtiments tertiaires est cruciale pour orienter efficacement les politiques publiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

La plateforme OPERAT de l’ADEME institutionalise la collecte des consommations énergétiques pour le tertiaire et devrait bientôt combler le manque en donnée énergétique sur ce segment du parc de bâtiment en France. Dans un futur proche, les données issues d’OPERAT permettront de disposer de données statistiques fiables et précises sur la consommation énergétique des bâtiments tertiaires en France.

En attendant la publication des premières données issues d’OPERAT, la présente étude explore la possibilité de produire des données de consommation énergétique normalisée par m² des bâtiments tertiaires de 2018 à 2021 à partir de la BDNB et des jeux de données sous-jacents de consommation énergétique issus des données locales de l’énergie, et les données d’usages et de surfaces provenant des fichiers fonciers produits par le CEREMA.

Sources de données mobilisées

Les sources de données mobilisées pour cette étude comprennent :

Données et graphes de l’étude

L’ensemble des données statistiques produites et des graphes associés sont disponibles en open data sur data.gouv.fr Les graphiques et résultats présentés ci-dessous sont une sélection parmi l’ensemble des données produites. Des graphiques analogues sont disponibles pour tous les usages et périodes de construction sur la page des données de l’étude.

Principaux résultats

Statistiques de consommation par usage foncier

Bâtiments disposants de consommations de gaz et d’électricité

Le graphique ci-dessous présente la distribution des consommations en énergie primaire des principaux usages tertiaires. Pour les usages comme les magasins de petite surface (<400m²) qui est la catégorie d’usage la plus consommatrice, il faut faire attention au biais de représentativité des DLE pour ce segment, comme il s’agit uniquement de locaux de petites surfaces, le biais de sélection des DLE fait ressortir uniquement les magasins avec une consommation énergétique intense.

Consommation en énergie primaire (kWh/m²/an)

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Emission de GES(CO2) en exploitation (kgCO2/m²/an)

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Les différences constatées entre les indicateurs des gaz à effet de serre (GES) et de l’énergie primaire s’expliquent par les variations du poids carbone et des coefficients d’énergie primaire entre le gaz et l’électricité. En effet, les émissions de GES liées au gaz sont environ quatre fois plus importantes que celles liées à l’électricité. En revanche, lors du calcul de l’énergie primaire, l’électricité est évaluée avec un coefficient de 2.3, tandis que le gaz est attribué un coefficient de 1. Le mix entre ces deux énergies étant différent pour chaque usage, les variations ne sont pas les mêmes pour chaque catégorie d’usage.

Exemple de distribution détaillée de la consommation de l’usage bureau

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Bâtiments disposants de consommations d’électricité seule

Il est important de préciser que dans les graphes présentés ci-dessous, les consommations électriques peuvent être partielles ou totales (cf. introduction)

Consommation en énergie primaire (kWh/m²/an)

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Emission de GES(CO2) en exploitation (kgCO2/m2/an)

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Exemple de distribution détaillée de la consommation de l’usage bureau

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Impact des années COVID sur les consommations du tertiaire

L’épidémie de COVID-19 a eu un impact très fort sur les consommations du tertiaire sur l’année 2020 avec des repercussions jusqu’en 2021 sur certains secteurs.

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Les 4 grands usages les plus impactés par cette épidémie en termes de consommation sont les hôtels, les bureaux, les magasins et les établissements d’enseignement. Les hôtels représentent la chute la plus spectaculaire avec une chute de 25% des consommations par rapport à 2018 et une remontée à une consommation correspondant à 80% du niveau de 2018 ce qui correspond à la reprise difficile de ce secteur post COVID. Au contraire, l’usage enseignement a retrouvé ses niveaux de consommations pré-COVID dès 2021 et la reprise à la normale. Sans surprise les usages les moins impactés sont les usages dont l’activité n’a pas cessé pendant l’épidémie : hospitalier, Magasin de grande surface et maison de retraite.

Impact des périodes de construction sur la consommation des bâtiments tertiaire

On pourrait s’attendre à ce que l’on ait un impact des périodes de construction des bâtiments sur les consommations des bâtiments tertiaires, notamment pour les périodes de constructions récentes (>2005) pour lesquelles des réglementations thermiques exigentes s’appliquaient. On constate malheuresement qu’il n’y a pas d’impact significatif sur la plupart des usages observés de la période de construction sur les consommations des tertiaires.

Exemple de distribution des consommations (énergie primaire) des bureaux par période de construction

Gaz + Électricité

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Électricité seule

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Exemple de distribution des consommations (energie primaire) des hôtels par période de construction

L’usage Hôtel est un des rares cas sur lequel on peut observer une amélioration significative des consommations sur la période de construction la plus récente (post RT2012)

Électricité seule

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Impact du climat sur les consommations

zones climatiques RT 2005 et 2012, carte source wikipedia

Carte des zones climatiques RT 2005 et 2012 (source wikipedia)

Les zones climatiques sont définies administrativement en regroupant les départements ayant des caractéristiques climatiques similaires en hiver et en été. Les bâtiments tertiaires peuvent être soumis à la fois au chauffage et à la climatisation, ce qui signifie que l’impact du climat peut se traduire par des effets opposés sur ces deux consommations.

Exemple de distribution des consommations (energie primaire) des bureaux par zone climatique

Électricité seule

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En ce qui concerne les consommations électriques des bureaux, on observe une légère tendance à une consommation plus élevée dans la zone H1a (la plus froide) et H3 (la plus chaude).

Exemple de distribution des consommations (energie primaire) des hôtels par zone climatique

Électricité seule

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Les tendances observées sur les bureaux se retrouvent aussi pour les hôtels de manière plus nette, avec des consommations plus élevées sur les zones froides (H1) et la zone H3 (la plus chaude)

Taille des échantillons

Cette étude permet aussi d’observer combien de bâtiments tertiaires disposent de données de consommation énergétique. On peut voir qu’en fonction des usages, les tailles d’échantillon disposant de consommations sont assez variable. Les bureaux, les établissements d’enseignement, hospitaliers et les maisons de retraites sont le type d’usage le plus couvert par les données locales de l’énergie et l’Artisanat est celui le moins couvert ce qui n’est pas très surprenant, car ce sont souvent des bâtiments de petite surface.

Bâtiments avec des consommations d’Électricité seule (pour l’année 2021)

usage_detail_tertiaire surface_tertiaire_echantillon surface_tertiaire_totale taille_echantillon_relatif(surface) nb_batiment_echantillon nb_batiment_total
Bureau 56640631 215414698 26% 19418 218027
Hôtel 8539900 39690063 22% 4642 33126
Espace culturel (musée, théatre) 2469337 11510354 21% 860 7428
Etablissement d’enseignement 8634971 43849857 20% 2682 19083
Etablissement hospitalier 2950655 14993706 20% 345 2233
Maison de retraite 4363804 22631668 19% 1263 6990
Foyer d’hébergement 1628507 8722217 19% 822 7070
Centre de soins, crèche, garderie 1971388 11082785 18% 1267 11737
Magasin grande surface (>400m²) 22996572 139406257 16% 8789 53073
Local de manutention 11853443 77496105 15% 6348 77906
Etablissement industriel 3694808 30531870 12% 1454 79172
Magasins avec surface <400m² 6629511 61684022 11% 10463 209680
Dépot couvert 25330125 239559978 11% 8104 194539
Espace sportif et loisir 3294173 33031059 10% 1573 24979
Artisanat 4789175 56946621 8% 4190 108018

Bâtiments avec des consommations d’Électricité et de gaz (pour l’année 2021)

usage_detail_tertiaire surface_tertiaire_echantillon surface_tertiaire_totale taille_echantillon_relatif (surface) nb_batiment_echantillon nb_batiment_total
Etablissement hospitalier 2085315 14993706 14% 196 2233
Maison de retraite 2805923 22631668 12% 684 6990
Etablissement d’enseignement 4453340 43849857 10% 691 19083
Foyer d’hébergement 770532 8722217 9% 249 7070
Centre de soins, crèche, garderie 745647 11082785 7% 215 11737
Bureau 9641743 215414698 4% 1629 218027
Hôtel 1654903 39690063 4% 464 33126
Etablissement industriel 1076539 30531870 4% 184 79172
Local de manutention 2249302 77496105 3% 552 77906
Magasin grande surface (>400m²) 3506216 139406257 3% 590 53073
Espace culturel (musée, théatre) 265848 11510354 2% 57 7428
Dépot couvert 4905701 239559978 2% 630 194539
Espace sportif et loisir 609392 33031059 2% 118 24979
Artisanat 383468 56946621 1% 167 108018
Magasins avec surface <400m² 270002 61684022 0% 146 209680

Conclusions & Perspectives

Cette exploration a permis de générer des estimations des consommations énergétiques dans le secteur tertiaire en France en utilisant les données disponibles dans la BDNB. Elle offre une première vue d’ensemble de ce qui peut être extrait comme indicateurs de consommation des bâtiments tertiaires à partir de cette source de données.

Les perspectives principales de ce travail sont les suivantes :

  1. Analyse et Comparaison avec OPERAT : Il est essentiel d’analyser et de comparer ces estimations avec les données de la plateforme OPERAT. Cette comparaison permettra d’évaluer les éventuels biais et de déterminer si l’approche simplifiée utilisée dans cette exploration est valide pour produire des estimations de consommation pour les bâtiments tertiaires. Cette approche pourrait notamment servir à combler d’éventuelles absences de déclaration dans la plateforme OPERAT ou traiter des tertiaires non éligibles au décret éco énergie tertiaire.

  2. Raffinement des Catégories d’Usages Tertiaires : Une autre perspective envisageable consistera à préciser les catégories d’usages tertiaires en se basant sur les codes NAF des entreprises effectivement présentes dans les bâtiments. Cette démarche permettra de regrouper les activités similaires de manière plus précise, affinant ainsi l’analyse. Par exemple, certaines catégories, telles que l’Artisanat ou les Magasins, sont actuellement trop générales dans cette étude. Cette amélioration devrait être rendue possible grâce au futur croisement des données provenant de la base des établissements SIRET avec celles de la BDNB.

Réserves et points d’attention

Limites des données locales de l’énergie sur le tertiaire, à la maille adresse

Les données locales de l’énergie sont publiées à la maille adresse pour un sous ensemble de compteurs d’énergie tertiaire. Cette publication de données fournit des consommations annuelles agrégées à l’adresse de certains compteurs de gaz et d’électricité sur tout le territoire métropolitain.

Pour l’électricité les données locales de l’énergie à la maille adresse ne sont diffusées que pour les tertiaires éléctro-intensifs équipés d’un compteur dit “jaune” (>36kVA) ou d’un compteur vert à usage plutôt industriel

Pour le gaz, les données locales de l’énergie à la maille adresse ne sont diffusées que pour les contrats de type T3,T4 (>300 Mwh/an). Ceci équivaut à peu près à 2000m² de logements étiquette D en termes de consommation de gaz pour un seul compteur professionnel.

Source : méthodologie de production des données locales de l&rsquo;énergie (SDES)

Les données locales de l’énergie ne fournissant que les consommations pour les plus grands consommateurs d’énergie tertiaire, cela génère deux biais:

  1. la grande majorité des petits tertiaires (commerces/bureaux/agences, etc.) sont exclus de cette analyse

  2. Seuls les tertiaires très énergivores et/ou disposant d’une surface importante sont intégrés dans l’analyse

Ces biais deviennent particulièrement prononcés dans les catégories d’usages à petites surfaces, comme les magasins de taille intermédiaire ou l’artisanat, où les établissements très énergivores sont sur-représentés dans les statistiques produites.

Les données de surface des bâtiments tertiaires.

Dans les bâtiments tertiaires, il existe plusieurs types de surfaces définies.

Surfaces fiscales (source Fichiers Fonciers) :

  • Surface des parties principales professionnelles
  • Surface des parties secondaires couvertes professionnelles
  • Surface des parties non couvertes professionnelles

Pour en savoir plus sur les surfaces fiscales des locaux (source datafoncier.cerema.fr)

Surfaces de références pour les calculs thermiques

Les surfaces utilisées, par exemple, dans le cadre des simulations thermiques RE2020 sont les suivantes :

  • Surface Utile (SU): la surface nette d’un bâtiment tertiaire - chauffé à une température supérieure à 12°C ou refroidis à une température inférieure à 30°C -(équivalent à la surface habitable en logement)
  • SHON : surface hors œuvre nette, c’est une surface qui prend en compte l’ensemble des surfaces accueillant des locaux aménagés.

Les données de consommations manipulées dans cette étude correspondent à des consommations tous usages confondus et non uniquement les 5 usages conventionnels (chauffage, ECS, climatisation, ventilation, éclairage). Il a été choisi dans cette étude de travailler sur une somme des surfaces des parties principales et secondaires couvertes professionnelles qui se rapproche le plus de ce que l’on entend par SHON. Toutefois, il est important de rappeler que la surface en question est une définition fiscale qui peut, dans certains cas, s’éloigner fortement de cette définition.

Consommations partielles ou totales ?

Dans cette étude, deux cas de figure sont traités en termes de consommation:

1er cas : les consommations de gaz et d’électricité sont disponibles pour le bâtiment

Dans le cas où le bâtiment à usage tertiaire dispose de consommations de gaz et d’électricité, la consommation d’énergie sera considérée comme complète, à savoir qu’il n’existe probablement pas d’autres vecteurs énergétiques non documentés alimentant le bâtiment en énergie.

2ème cas : Seule la consommation d’électricité est disponible pour le bâtiment

Dans les cas où un bâtiment à usage tertiaire présente une consommation exclusivement basée sur l’électricité, il n’est pas possible d’affirmer avec certitude que l’électricité est le seul vecteur énergétique alimentant le bâtiment. Par conséquent, en ce qui concerne les résultats liés aux bâtiments utilisant uniquement l’électricité, il est important de considérer que, pour certains d’entre eux, les consommations pourraient être partielles ou incomplètes.

Autres points d’attention

  • un problème de géocodage sur la BDNB sur une partie des données locales de l’énergie pour le gaz pour l’année 2020 fait que pour ce millésime un nombre beaucoup plus faible de bâtiments avec consommation gaz est exploitable. Il faut donc faire attention à l’interprétation des données pour l’année 2020.

  • les graphes de type “boîte à moustache” sont fournis avec des quantiles 10%-90%, la valeur centrale est la médiane

  • Aucune vérification “terrain” n’a été effectué pour cette étude, il s’agit d’une analyse produite uniquement à partir des données bâtimentaires disponibles dans la BDNB.