La transition énergétique représente un défi majeur pour la France, en particulier dans le secteur tertiaire, qui constitue 17% de la consommation énergétique nationale Adème, 2024. Face à ce contexte, mieux comprendre et connaitre la consommation énergétique des bâtiments tertiaires est cruciale pour orienter efficacement les politiques publiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

La plateforme OPERAT de l’ADEME institutionalise la collecte des consommations énergétiques pour le tertiaire et devrait bientôt combler le manque en donnée énergétique sur ce segment du parc de bâtiment en France. Dans un futur proche, les données issues d’OPERAT permettront de disposer de données statistiques fiables et précises sur la consommation énergétique des bâtiments tertiaires en France.

En attendant la publication des premières données issues d’OPERAT, la présente étude explore la possibilité de produire des données de consommation énergétique normalisée par m² des bâtiments tertiaires de 2018 à 2021 à partir de la BDNB et des jeux de données sous-jacents de consommation énergétique issus des données locales de l’énergie, et les données d’usages et de surfaces provenant des fichiers fonciers produits par le CEREMA.

Sources de données mobilisées

Les sources de données mobilisées pour cette étude comprennent :

Données et graphes de l’étude

L’ensemble des données statistiques produites et des graphes associés sont disponibles en open data sur data.gouv.fr Les graphiques et résultats présentés ci-dessous sont une sélection parmi l’ensemble des données produites. Des graphiques analogues sont disponibles pour tous les usages et périodes de construction sur la page des données de l’étude.

Principaux résultats

Statistiques de consommation par usage foncier

Bâtiments disposants de consommations de gaz et d’électricité

Le graphique ci-dessous présente la distribution des consommations en énergie primaire des principaux usages tertiaires. Pour les usages comme les magasins de petite surface (<400m²) qui est la catégorie d’usage la plus consommatrice, il faut faire attention au biais de représentativité des DLE pour ce segment, comme il s’agit uniquement de locaux de petites surfaces, le biais de sélection des DLE fait ressortir uniquement les magasins avec une consommation énergétique intense.

Consommation en énergie primaire (kWh/m²/an)

Emission de GES(CO2) en exploitation (kgCO2/m²/an)

Les différences constatées entre les indicateurs des gaz à effet de serre (GES) et de l’énergie primaire s’expliquent par les variations du poids carbone et des coefficients d’énergie primaire entre le gaz et l’électricité. En effet, les émissions de GES liées au gaz sont environ quatre fois plus importantes que celles liées à l’électricité. En revanche, lors du calcul de l’énergie primaire, l’électricité est évaluée avec un coefficient de 2.3, tandis que le gaz est attribué un coefficient de 1. Le mix entre ces deux énergies étant différent pour chaque usage, les variations ne sont pas les mêmes pour chaque catégorie d’usage.

Exemple de distribution détaillée de la consommation de l’usage bureau

Bâtiments disposants de consommations d’électricité seule

Il est important de préciser que dans les graphes présentés ci-dessous, les consommations électriques peuvent être partielles ou totales (cf. introduction)

Consommation en énergie primaire (kWh/m²/an)

Emission de GES(CO2) en exploitation (kgCO2/m2/an)

Exemple de distribution détaillée de la consommation de l’usage bureau

Impact des années COVID sur les consommations du tertiaire

L’épidémie de COVID-19 a eu un impact très fort sur les consommations du tertiaire sur l’année 2020 avec des repercussions jusqu’en 2021 sur certains secteurs.

Les 4 grands usages les plus impactés par cette épidémie en termes de consommation sont les hôtels, les bureaux, les magasins et les établissements d’enseignement. Les hôtels représentent la chute la plus spectaculaire avec une chute de 25% des consommations par rapport à 2018 et une remontée à une consommation correspondant à 80% du niveau de 2018 ce qui correspond à la reprise difficile de ce secteur post COVID. Au contraire, l’usage enseignement a retrouvé ses niveaux de consommations pré-COVID dès 2021 et la reprise à la normale. Sans surprise les usages les moins impactés sont les usages dont l’activité n’a pas cessé pendant l’épidémie : hospitalier, Magasin de grande surface et maison de retraite.

Impact des périodes de construction sur la consommation des bâtiments tertiaire

On pourrait s’attendre à ce que l’on ait un impact des périodes de construction des bâtiments sur les consommations des bâtiments tertiaires, notamment pour les périodes de constructions récentes (>2005) pour lesquelles des réglementations thermiques exigentes s’appliquaient. On constate malheuresement qu’il n’y a pas d’impact significatif sur la plupart des usages observés de la période de construction sur les consommations des tertiaires.

Exemple de distribution des consommations (énergie primaire) des bureaux par période de construction

Gaz + Électricité

Électricité seule

Exemple de distribution des consommations (energie primaire) des hôtels par période de construction

L’usage Hôtel est un des rares cas sur lequel on peut observer une amélioration significative des consommations sur la période de construction la plus récente (post RT2012)

Électricité seule

Impact du climat sur les consommations

zones climatiques RT 2005 et 2012, carte source wikipedia

Carte des zones climatiques RT 2005 et 2012 (source wikipedia)

Les zones climatiques sont définies administrativement en regroupant les départements ayant des caractéristiques climatiques similaires en hiver et en été. Les bâtiments tertiaires peuvent être soumis à la fois au chauffage et à la climatisation, ce qui signifie que l’impact du climat peut se traduire par des effets opposés sur ces deux consommations.

Exemple de distribution des consommations (energie primaire) des bureaux par zone climatique

Électricité seule

En ce qui concerne les consommations électriques des bureaux, on observe une légère tendance à une consommation plus élevée dans la zone H1a (la plus froide) et H3 (la plus chaude).

Exemple de distribution des consommations (energie primaire) des hôtels par zone climatique

Électricité seule

Les tendances observées sur les bureaux se retrouvent aussi pour les hôtels de manière plus nette, avec des consommations plus élevées sur les zones froides (H1) et la zone H3 (la plus chaude)

Taille des échantillons

Cette étude permet aussi d’observer combien de bâtiments tertiaires disposent de données de consommation énergétique. On peut voir qu’en fonction des usages, les tailles d’échantillon disposant de consommations sont assez variable. Les bureaux, les établissements d’enseignement, hospitaliers et les maisons de retraites sont le type d’usage le plus couvert par les données locales de l’énergie et l’Artisanat est celui le moins couvert ce qui n’est pas très surprenant, car ce sont souvent des bâtiments de petite surface.

Bâtiments avec des consommations d’Électricité seule (pour l’année 2021)

usage_detail_tertiairesurface_tertiaire_echantillonsurface_tertiaire_totaletaille_echantillon_relatif(surface)nb_batiment_echantillonnb_batiment_total
Bureau5664063121541469826%19418218027
Hôtel85399003969006322%464233126
Espace culturel (musée, théatre)24693371151035421%8607428
Etablissement d’enseignement86349714384985720%268219083
Etablissement hospitalier29506551499370620%3452233
Maison de retraite43638042263166819%12636990
Foyer d’hébergement1628507872221719%8227070
Centre de soins, crèche, garderie19713881108278518%126711737
Magasin grande surface (>400m²)2299657213940625716%878953073
Local de manutention118534437749610515%634877906
Etablissement industriel36948083053187012%145479172
Magasins avec surface <400m²66295116168402211%10463209680
Dépot couvert2533012523955997811%8104194539
Espace sportif et loisir32941733303105910%157324979
Artisanat4789175569466218%4190108018

Bâtiments avec des consommations d’Électricité et de gaz (pour l’année 2021)

usage_detail_tertiairesurface_tertiaire_echantillonsurface_tertiaire_totaletaille_echantillon_relatif (surface)nb_batiment_echantillonnb_batiment_total
Etablissement hospitalier20853151499370614%1962233
Maison de retraite28059232263166812%6846990
Etablissement d’enseignement44533404384985710%69119083
Foyer d’hébergement77053287222179%2497070
Centre de soins, crèche, garderie745647110827857%21511737
Bureau96417432154146984%1629218027
Hôtel1654903396900634%46433126
Etablissement industriel1076539305318704%18479172
Local de manutention2249302774961053%55277906
Magasin grande surface (>400m²)35062161394062573%59053073
Espace culturel (musée, théatre)265848115103542%577428
Dépot couvert49057012395599782%630194539
Espace sportif et loisir609392330310592%11824979
Artisanat383468569466211%167108018
Magasins avec surface <400m²270002616840220%146209680

Conclusions & Perspectives

Cette exploration a permis de générer des estimations des consommations énergétiques dans le secteur tertiaire en France en utilisant les données disponibles dans la BDNB. Elle offre une première vue d’ensemble de ce qui peut être extrait comme indicateurs de consommation des bâtiments tertiaires à partir de cette source de données.

Les perspectives principales de ce travail sont les suivantes :

  1. Analyse et Comparaison avec OPERAT : Il est essentiel d’analyser et de comparer ces estimations avec les données de la plateforme OPERAT. Cette comparaison permettra d’évaluer les éventuels biais et de déterminer si l’approche simplifiée utilisée dans cette exploration est valide pour produire des estimations de consommation pour les bâtiments tertiaires. Cette approche pourrait notamment servir à combler d’éventuelles absences de déclaration dans la plateforme OPERAT ou traiter des tertiaires non éligibles au décret éco énergie tertiaire.

  2. Raffinement des Catégories d’Usages Tertiaires : Une autre perspective envisageable consistera à préciser les catégories d’usages tertiaires en se basant sur les codes NAF des entreprises effectivement présentes dans les bâtiments. Cette démarche permettra de regrouper les activités similaires de manière plus précise, affinant ainsi l’analyse. Par exemple, certaines catégories, telles que l’Artisanat ou les Magasins, sont actuellement trop générales dans cette étude. Cette amélioration devrait être rendue possible grâce au futur croisement des données provenant de la base des établissements SIRET avec celles de la BDNB.

Réserves et points d’attention

Limites des données locales de l’énergie sur le tertiaire, à la maille adresse

Les données locales de l’énergie sont publiées à la maille adresse pour un sous ensemble de compteurs d’énergie tertiaire. Cette publication de données fournit des consommations annuelles agrégées à l’adresse de certains compteurs de gaz et d’électricité sur tout le territoire métropolitain.

Pour l’électricité les données locales de l’énergie à la maille adresse ne sont diffusées que pour les tertiaires éléctro-intensifs équipés d’un compteur dit “jaune” (>36kVA) ou d’un compteur vert à usage plutôt industriel

Pour le gaz, les données locales de l’énergie à la maille adresse ne sont diffusées que pour les contrats de type T3,T4 (>300 Mwh/an). Ceci équivaut à peu près à 2000m² de logements étiquette D en termes de consommation de gaz pour un seul compteur professionnel.

Source : méthodologie de production des données locales de l’énergie (SDES)

Les données locales de l’énergie ne fournissant que les consommations pour les plus grands consommateurs d’énergie tertiaire, cela génère deux biais:

  1. la grande majorité des petits tertiaires (commerces/bureaux/agences, etc.) sont exclus de cette analyse

  2. Seuls les tertiaires très énergivores et/ou disposant d’une surface importante sont intégrés dans l’analyse

Ces biais deviennent particulièrement prononcés dans les catégories d’usages à petites surfaces, comme les magasins de taille intermédiaire ou l’artisanat, où les établissements très énergivores sont sur-représentés dans les statistiques produites.

Les données de surface des bâtiments tertiaires.

Dans les bâtiments tertiaires, il existe plusieurs types de surfaces définies.

Surfaces fiscales (source Fichiers Fonciers) :

Pour en savoir plus sur les surfaces fiscales des locaux (source datafoncier.cerema.fr)

Surfaces de références pour les calculs thermiques

Les surfaces utilisées, par exemple, dans le cadre des simulations thermiques RE2020 sont les suivantes :

Les données de consommations manipulées dans cette étude correspondent à des consommations tous usages confondus et non uniquement les 5 usages conventionnels (chauffage, ECS, climatisation, ventilation, éclairage). Il a été choisi dans cette étude de travailler sur une somme des surfaces des parties principales et secondaires couvertes professionnelles qui se rapproche le plus de ce que l’on entend par SHON. Toutefois, il est important de rappeler que la surface en question est une définition fiscale qui peut, dans certains cas, s’éloigner fortement de cette définition.

Consommations partielles ou totales ?

Dans cette étude, deux cas de figure sont traités en termes de consommation:

1er cas : les consommations de gaz et d’électricité sont disponibles pour le bâtiment

Dans le cas où le bâtiment à usage tertiaire dispose de consommations de gaz et d’électricité, la consommation d’énergie sera considérée comme complète, à savoir qu’il n’existe probablement pas d’autres vecteurs énergétiques non documentés alimentant le bâtiment en énergie.

2ème cas : Seule la consommation d’électricité est disponible pour le bâtiment

Dans les cas où un bâtiment à usage tertiaire présente une consommation exclusivement basée sur l’électricité, il n’est pas possible d’affirmer avec certitude que l’électricité est le seul vecteur énergétique alimentant le bâtiment. Par conséquent, en ce qui concerne les résultats liés aux bâtiments utilisant uniquement l’électricité, il est important de considérer que, pour certains d’entre eux, les consommations pourraient être partielles ou incomplètes.

Autres points d’attention