Indicateurs de surchauffe estivale des bâtiments
Un enjeu majeur de l’adaptation au changement climatique
En France, les vagues de chaleur ne se limitent plus à de simples épisodes estivaux isolés. En 2021, 59 % des ménages interrogés dans le cadre du Baromètre de l’énergie ont déclaré avoir souffert d’une chaleur excessive dans leur logement pendant au moins 24 heures[^¹].
Bien au-delà de l’inconfort, la chaleur dans les habitations constitue également un enjeu de santé publique, comme en témoignent les 15 000 décès survenus lors de la canicule de 2003[^²]. Ce risque sanitaire ne fera que s’aggraver avec le dérèglement climatique, qui entraînera un doublement de la fréquence des périodes de canicule d’ici 2050 en France métropolitaine[^³].
À ce jour, l’évaluation du risque de surchauffe des bâtiments existants reste limitée. Elle repose sur des approches ponctuelles nécessitant des moyens complexes, tels que des campagnes de mesures ou des simulations lourdes à mettre en œuvre.
Pour orienter et organiser efficacement l’action publique, collective et individuelle, il est crucial d’identifier et de quantifier ce risque à l’échelle de chaque bâtiment, tant pour les conditions climatiques actuelles que pour celles attendues à l’avenir.
Notre mission avec la Base de Données Nationale des Bâtiments est d’accompagner tous les acteurs de la transition écologique en leur fournissant des données de référence pour répondre aux enjeux d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. À cette fin, nous publions une série d’indicateurs conçus pour :
- identifier les bâtiments les plus exposés au risque de surchauffe ;
- proposer des pistes d’amélioration pour réduire ces risque ;
- repérer les populations vulnérables afin d’anticiper les risques sanitaires
Ce document présente le premier indicateur de cette gamme, l’indicateur de surchauffe des bâtiments
ISB-DH
publié à partir du millésime 2024-10.a
de la BDNB.
Cet indicateur est disponible dans la version experte de la BDNB.
L’indicateur de surchauffe estivale de la BDNB, ISB-DH
L’indicateur de surchauffe des bâtiments ISB-DH
est destiné à identifier les logements présentant des problèmes de
surchauffe estivale.
DH
est l’acronyme pour Degré-Heure, un indicateur d’accumulation de chaleur mesurant la durée cumulée pendant laquelle les occupants d’un bâtiment sont exposés à une température supérieure à un seuil de confort prédéfini.
L’ISB-DH en résumé :
- L’indicateur est une image de la durée et de l’intensité de la chaleur dans chaque logement au cours d’une année type qui comporte une canicule.
- disponible sur 95% du parc résidentiel.
- calculé à l’échelle logement.
- prend en compte la performance thermique du bâtiment et sa configuration (logement traversant ou non).
- prend en compte l’effet d’îlot de chaleur urbain.
- prend en compte si le logement est en dernier étage ou non (impact de l’isolation et de l’albédo de la toiture)
- fait l’hypothèse que tous les occupants soient sensibilisés à la gestion de la chaleur : ils ferment les volets le jour et ouvrent leurs fenêtres la nuit.
- repose sur une méthode réglementaire publique (RE2020).
- inclut un indicateur de fiabilité pour chaque bâtiment.
- ne prend pas en compte la présence d’éventuels climatiseurs, ni de brasseurs d’air.
L’ISB-DH en détails
L’ISB-DH
estime sur l’année les degrés-heure au-dessus d’un seuil d’inconfort
$$\int_{t_0}^{t_f}{(T(t) - T_{seuil})dt}$$ quand ${T(t) > T_{seuil}}$.
Le seuil varie de 26°C à 28°C en fonction de la température extérieure. Pour plus de précision, la méthode de calcul exacte est documentée dans la réglementation environnementale RE2020 : Th-BCE20201.
La valeur typique de l’ISB-DH
varie entre 0 et 3000 degré-heures. Pour référence, le seuil règlementaire dans la construction neuve est de 1250 degrés-heures.
Cet indicateur a été choisi car il s’agit d’une mesure objective, comparable entre logements,
Il s’agit d’un indicateur calculé à partir des performances du bâti et de la météo, similaire en termes d’approche aux
indicateurs du diagnostic de performance énergétique.
Pour chaque bâtiment, un calcul de l’évolution de la température intérieure (simulation thermique dynamique) est réalisé.
Dans le cas de logements collectifs, des calculs sont menés séparément pour les logements au dernier étage et pour
les autres logements (dernier étage
, étages courants
).
Les prédictions sont réalisées pour le segment de parc suivant :
- l’usage principal au sens de la BDNB est : ‘Résidentiel individuel’, ou ‘Résidentiel collectif’,
- au moins un logement est présent dans le bâtiment et sa surface habitable et son étage (pour les logements collectifs) sont disponibles,
- l’année de construction et l’altitude du bâtiment sont disponibles.
Pour chaque bâtiment, les calculs sont répétés 100 fois pour prendre en compte les sources d’incertitudes du calcul (tirage Monte Carlo).
Les valeurs publiées sont les statistiques des résultats pour chaque bâtiment. Par exemple, isb_dh_percentile_50
est
la valeur médiane des résultats de calcul pour un bâtiment.
Pour des raisons de temps d’exécution, le calcul est accéléré en remplaçant la simulation thermique dynamique
par un méta-modèle de type random forest
entrainé sur des données de simulation RE2020 (réglementation pour la construction de bâtiments neufs).
Données disponibles
Comme indiqué précédemment, chaque bâtiment dispose d’un grand nombre de résultats pour prendre en compte les sources d’incertitudes du calcul. Ainsi, les valeurs publiées sont les statistiques des résultats pour chaque bâtiment. Par exemple, isb_dh_percentile_50
est
la valeur médiane des résultats de calcul pour un bâtiment. Par ailleurs, les valeurs de l’indicateur sont également catégorisées en plusieurs classes permettant de mieux analyser les résultats.
Ces données sont disponibles dans la table batiment_groupe_simulations_isb
Nom de la variable | Description |
---|---|
batiment_groupe_id | Identifiant de groupe de bâtiment BDNB |
code_departement_insee | Code département sur 2 caractères |
type_niveau | ['dernier étage', 'étage courant'] |
isb_dh_percentile_2_5 | percentile à 2.5% de l’ISB_DH (borne inférieure de l’intervalle à 95%) |
isb_dh_percentile_10 | percentile à 10% de l’ISB_DH |
isb_dh_percentile_25 | percentile à 25% de l’ISB_DH |
isb_dh_percentile_50 | percentile à 50% de l’ISB_DH (médiane) |
isb_dh_percentile_75 | percentile à 75% de l’ISB_DH |
isb_dh_percentile_90 | percentile à 90% de l’ISB_DH |
isb_dh_percentile_97_5 | percentile 97.5% de l’ISB_DH (borne supérieure de l’intervalle à 95%) |
isb_dh_moyen | Moyenne de l’ISB_DH |
isb_dh_max_prob | Classe ISB_DH la plus probable |
isb_dh_classe_1 | Probabilité que le logement appartienne à la classe 1 ([0; 350[) (∈ [0,1]) |
isb_dh_classe_2 | Probabilité que le logement appartienne à la classe 2 ([350; 700[) (∈ [0,1]) |
isb_dh_classe_3 | Probabilité que le logement appartienne à la classe 3 ([700; 1000[) (∈ [0,1]) |
isb_dh_classe_4 | Probabilité que le logement appartienne à la classe 4 ([1000; 1250[) (∈ [0,1]) |
isb_dh_classe_5 | Probabilité que le logement appartienne à la classe 5 ([1250; 1500[) (∈ [0,1]) |
isb_dh_classe_6 | Probabilité que le logement appartienne à la classe 6 ([1500; 1800[) (∈ [0,1]) |
isb_dh_classe_7 | Probabilité que le logement appartienne à la classe 7 ([1800; 2100[) (∈ [0,1]) |
isb_dh_classe_8 | Probabilité que le logement appartienne à la classe 8 ([2100; 2500[) (∈ [0,1]) |
isb_dh_classe_9 | Probabilité que le logement appartienne à la classe 9 ([2500; 3000[) (∈ [0,1]) |
isb_dh_classe_10 | Probabilité que le logement appartienne à la classe 10 (≥ 3000) (∈ [0,1]) |
isb_dh_fiabilite | Note sur 5 de la fiabilité de l’indicateur, basé sur la largeur de l’intervalle à 95% par rapport à la valeur moyenne |
L’indicateur pour les logements individuels est systématiquement indiqué avec un type_niveau = “dernier étage”. Seuls les bâtiments dont l’usage principal est résidentiel collectif disposent de résultats pour les étages courants.
Fiche méthode
Cette fiche méthode liste les sources de données et hypothèses utilisées pour le calcul et présente la démarche de généralisation du calcul à la France entière en utilisant une approche par méta-modélisation.
Données sources et hypothèses
Le calcul de l’ISB_DH
repose sur les conventions et les règles de calcul réglementaires issues de la RE2020 (Th-BCE20201) ainsi que sur la description des bâtiments de la BDNB.
Le tableau ci-dessous résume les différentes sources d’informations pour le calcul :
Information | Nature | Source | Description |
---|---|---|---|
Géométrie des bâtiments | Donnée terrain | BDNB: batiment_groupe_bdtopo_bat | Issue du croisement de la BDTOPO IGN et des Fichiers Fonciers au CEREMA |
Métrés, apports solaires, ombrages | Calculé à partir des données terrains | BDNB: batiment_groupe_delimitation_enveloppe | Calcul des surfaces extérieures (adjacence), masquage solaire des autres bâtiments |
Performances thermiques du bâti, “Traversance” | Données terrain extraite des DPE ou prédite | BDNB: batiment_groupe_synthese_enveloppe | Données extraites des DPE ou prédiction |
Nature des systèmes | Données terrain extraite des DPE ou prédite | BDNB: batiment_groupe_synthese_systeme_energetique_logement | Données extraites des DPE ou prédiction |
Comportement des occupants | conventionnelle | Méthode RE2020 | Occupants qui ferment les volets le jour et ouvrent les fenêtres la nuit |
Météo (temperature, vitesse du vent…) | conventionnelle | Fichiers météo de la RE2020 | Une météo par zone climatique |
Corrections météo liées aux îlots de chaleur urbain | Calculées | BDNB: batiment_groupe_icu | Interpolation des résultats de calcul d’Urban Weather Generator, maille 1km |
Performance du bâti
La majorité des informations bâtiments requises sont extraites des DPE. Quand un DPE n’est pas présent, les données de performances sont issues des prédictions de données manquantes déjà réalisées pour les prédictions des DPE. Pour chaque bâtiment, plus de 100 tirages probables sont réalisés pour ces prédictions de performances, ce qui permet d’appliquer une approche de type Monte Carlo (propagation d’incertitude) pour évaluer l’incertitude liée à la prédiction des données manquantes. Ces deux indicateurs, étiquettes DPE et valeurs de surchauffe estivale, sont issus du même socle de données et sont donc cohérents entre eux.
Pour plus d’information sur ces prédictions et leurs performances, se référer à la fiche méthode des prédictions DPE.
Prise en compte de la météo et de l’îlot de chaleur urbains
Les fichiers météo réglementaire fournissent pour une année complète au pas de temps horaire les informations suivantes :
- la température
- l’humidité spécifique
- le rayonnement solaire direct normal et diffus horizontal
- la vitesse de vent
- la température de la voûte céleste
- la température du sol
- l’élévation solaire
- l’azimut heure par heure
Ces données météorologiques d’une année type ont été construites en utilisant la norme ISO 15927-42 pour chaque zone climatique. De plus, pour évaluer la surchauffe des bâtiments, la réglementation introduit les données météorologiques de la canicule de 2003 à l’intérieur de l’année type pour construire une année plus extrême (fichier de type Th-D).
Ces séries temporelles météo sont corrigées grâce à un calcul d’îlot de chaleur urbain (ICU) à la maille 1 km sur l’ensemble des villes susceptibles de présenter un ICU avec l’outil Urban Weather Generator3. L’UWG nécessite le développement d’archétypes de bâtiments représentatifs du parc immobilier français, ainsi que de données d’entrée relatives aux caractéristiques de la végétation et des canyons, qui sont complexes à acquérir. La génération des variables d’entrée et l’exécution des simulations ont été réalisées à l’aide de l’outil UWG-Connector4.
Passage à l’échelle : utilisation d’un méta-modèle pour la simulation thermique dynamique
Effectuer la prédiction de l’ISB_DH
sur le parc résidentiel requiert plus de 2 milliards de simulations thermiques
dynamiques annuelles horaires, c’est-à-dire plus de 100 simulations pour chacun des 20 millions de bâtiments à usage résidentiels.
Afin de réduire le temps de calcul sans compromis sur le calcul d’incertitude,
nous avons opté pour une approche par méta-modélisation.
🕮 Métamodèle
Un métamodèle en simulation numérique est un modèle simplifié qui reproduit le comportement d’un modèle complexe, permettant de réduire les coûts de calcul tout en conservant une précision acceptable.
Les métamodèles sont utilisés pour faciliter des analyses telles que l’optimisation, l’analyse de sensibilité ou la quantification d’incertitudes.
La simulation thermique est réalisée avec le moteur Cometh
, le cœur de calcul de la réglementation environnementale RE2020 (Th-BCE20201).
Le métamodèle est construit en se basant sur l’apprentissage machine d’un échantillon représentatif de 350 000 simulations physiques de l’ISB_DH
avec Cometh sur l’ensemble des segments de parc ciblés, zone climatique et impact de l’ICU.
Trois modèles indépendants (random forest) ont été entrainés en fonction de la typologie du logement :
- maison individuelle
- logement collectif au dernier étage
- logement collectif en étage courant
Les métamodèles ainsi créés requièrent les entrées suivantes :
- Les degrés jours unifiés (DJU) correspondent à la différence entre la température extérieure et une température de référence. C’est un indicateur de la rigueur de la météo. Plus un climat est chaud, plus le nombre de DJU est important. La température de référence choisie est de 20°C.
- La moyenne de l’effet ICU nocturne (ICU_nocturne_moyen): écart moyen de température provoqué par l’effet d’îlot de chaleur urbain entre le climat urbain et rural la nuit (22h-07h), en °C
- L’année de construction
- La hauteur du bâtiment [m]
- La surface habitable du logement [m²]
- Le volume habitable [m3]
- Le coefficient thermique des fenêtres ou baies vitrées. [W/m²/K]
- Le coefficient thermique du plancher haut [W/m²/K].
- Le coefficient thermique des murs extérieurs [W/m²/K].
- La classe d’inertie du logement obtenue à partir des matériaux de structure et de l’isolation. Les classes d’inertie possibles sont : légère, moyenne, lourde ou très lourde.
- Le pourcentage de surface de fenêtres ou de baies vitrées donnant sur l’extérieur par rapport à la surface de murs extérieurs qui, associé aux apports solaires estivaux, permet de déterminer les apports solaires au sein du logement [%].
- La présence de protection mobile contre le rayonnement solaire qui influence les apports solaires au sein du logement en fonction des règles de comportement de l’occupant.
- La traversance du logement, c’est-à-dire, la présence de fenêtres ou de baies vitrées sur des façades d’orientation différentes, quelque soit les orientations.
- Les apports solaires estivaux qui correspondent aux estimations des radiations solaires au centre des façades par orientation et durant la période estivale. Ces estimations prennent en compte les masques dûs aux bâtiments environnants. Toutefois, ni la présence de balcon, ni les masques dus à la végétation ne sont pris en compte [kWh/m²/an].
Performances
Les performances des métamodèles sont évaluées par validation croisée avec les métriques suivantes :
- Coefficient de détermination (r²) qui mesure la qualité de la prédiction
- erreur quadratique moyenne (RMSE) qui calcule le résidu moyen entre les valeurs prédites et les valeurs d’entrainement
- Coefficient de variation de la racine de l’erreur quadratique moyenne (CVRMSE)
Les scores des trois modèles sont les suivants :
Modèle | Taille de l’échantillon d’entrainement | r² | RMSE | CVRMSE |
---|---|---|---|---|
maison individuelle | 171 353 | 0.94 | 162 | 0.117 |
logement collectif en étage courant | 89 110 | 0.81 | 303 | 0.211 |
logement collectif au dernier étage | 88 782 | 0.83 | 318 | 0.176 |
Ces résultats montrent la précision de nos modèles de prédiction de surchauffe des logements.

Annexe III de l’arrêté du 4 août 2021, Méthode de calcul détaillée « Th-BCE 2020 » (https://rt-re-batiment.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/annexeiii_arrete_4_aout_2021_scenariosre2020_compressed.pdf) ↩︎ ↩︎ ↩︎
ISO 15927-4:2005 Hygrothermal performance of buildings — Calculation and presentation of climatic data Part 4:Hourly data for assessing the annual energy use for heating and cooling ↩︎
Bueno, B., Norford, L., Hidalgo, J., & Pigeon, G. (2013). The urban weather generator. Journal of Building Performance Simulation, 6(4), 269-281. ↩︎
G-E Kyriakodis, “Automated generation of urban weather files for building energy simulation.”, 2025, Îlots de Chaleur Urbain: Mesures, Impacts et Perspectives Conference, Nice, France. ↩︎